Le pasteur et musicien Art Lucier ainsi que son organisme, Harvest Ministries International, intentent une poursuite contre le Centre des congrès de Québec, la ministre du Tourisme Caroline Proulx et le gouvernement québécois. Ils réclament une somme de quelque 250 000 $ pour avoir, le 2 juin 2023, résilié le contrat de location que les responsables avaient dûment signé avec le Centre des congrès de Québec, cinq mois plus tôt, afin d’y tenir un événement religieux du 23 juin au 2 juillet.
Les organisateurs du Rallye Feu, Foi et Liberté s’attendaient à ce que 1200 personnes par jour participent à leur rendez-vous annuel qui se tenait pour la première fois au Québec.
Pour le rallye de juin 2023, «de grandes réunions de prière, des spectacles musicaux et d’autres représentations artistiques et culturelles autour des thèmes de la foi et de la réconciliation entre les communautés fondatrices de la fédération canadienne» étaient déjà programmées et annoncées dans le site web de Harvest Ministries International.
Résiliation unilatérale
Mais au début du mois de juin, seulement trois semaines avant l’événement, la ministre du Tourisme Caroline Proulx, a exigé l’annulation du contrat de location parce que le Rallye Feu, Foi et Liberté serait avant tout une tribune anti-avortement, en «contradiction avec les principes fondamentaux du Québec».
Le 2 juin, le pasteur Lucier a reçu une lettre du Centre des congrès de Québec lui annonçant la nouvelle, l’assurant que son dépôt financier lui serait remboursé et lui indiquant qu’il devrait tenir son événement dans un lieu privé.
Assommé par la nouvelle, le personnel de Harvest Ministries International s’est toutefois «activement consacré à la recherche de locaux de substitution». Mais le 16 juin, l’organisme a capitulé. «Il a essuyé un refus auprès de la totalité des quarante-trois établissements contactés, tantôt pour des raisons de disponibilité, tantôt par crainte de la controverse sciemment déclenchée par les défendeurs», indique la poursuite.
La ministre Caroline Proulx, le premier ministre François Legault – qui a appuyé la décision, et les dirigeants du Centre des congrès de Québec «ont désigné Harvest à la vindicte populaire en raison de ses opinions religieuses et politiques soi-disant contraires aux ‘principes fondamentaux du Québec’», écrit-on dans la requête judiciaire qui vient d’être déposée au Palais de justice de Québec.
Pas un événement anti-avortement
Dans la poursuite, on trouve ces propos tenus par le premier ministre François Legault le 2 juin, en appui à la ministre Proulx. «On n’ira pas permettre à des groupes anti-avortement de pouvoir faire des grands spectacles dans des organismes publics», indiquait-il en mêlée de presse.
«Aucun item au programme ne concernait cette thématique particulière», se défend Harvest Ministries International qui n’a jamais caché, comme plusieurs autres Églises et organismes chrétiens, ses convictions pro-vie. «Harvest les défend d’ailleurs toujours et a l’intention de continuer à le faire, ce qui est son droit le plus élémentaire», estime la poursuite.
Mais cette action en justice n’a rien à voir avec les opinions de l’organisme sur l’avortement. Elle concerne «plutôt les droits fondamentaux de Harvest, de ses membres et de ses fidèles, de vivre leur foi, de s’exprimer politiquement et de se réunir pacifiquement sans entraves étatiques».
Pas de commentaires
L’attachée de presse de la ministre Caroline Proulx a indiqué à Présence que «comme le dossier est judiciarisé, la ministre réserve ses commentaires». Au moment de publier, le Centre des congrès de Québec n’avait pas répondu à notre demande de commentaires.
Peu après la résiliation de la location par les autorités gouvernementales la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) s’était dite préoccupée devant «l’intention du gouvernement d’évaluer au cas par cas la tenue de certains événements sur des lieux lui appartenant».
«Cette décision soulève des questions fondamentales relatives à la protection des droits garantis par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, notamment à la liberté d’expression et son exercice en pleine égalité», avait-elle déclaré.
Informée de la poursuite intentée par les organisateurs du Rallye Feu, Foi et Liberté, la CDPDJ a indiqué qu’elle ne la commenterait pas. «Du fait de notre statut d’institution publique ayant une forte composante juridique à notre mission, nous ne commentons pas médiatiquement les dossiers judiciarisés», a répondu Halimatou Bah, la conseillère en communications de la CDPDJ.
C’est l’avocat montréalais Olivier Séguin qui représente le pasteur Art Lucier et Harvest Ministries International. Les bureaux de l’organisme chrétien Harvest Ministries International sont situés à Kelowna, en Colombie-Britannique.