La synthèse provinciale du synode de l’Église au Québec est disponible depuis le 17 août sur le site Web de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Ce document fait suite aux conversations tenues dans les différents diocèses et constitue une étape importante qui précède la rédaction de la synthèse canadienne.
⇒ Assemblée des évêques catholiques du Québec. Pour que l’Église se renouvelle et continue, voici le temps favorable! Synthèse provinciale, Québec, synode sur la synodalité, 8 août 2022, 14 pages.
Les personnes qui ont participé à la démarche synodale provenaient d’horizons divers. Ces rencontres étaient menées dans un certain esprit. Plusieurs seront perplexes à la lecture de la récente synthèse. Cela n’a rien à voir avec la qualité du document, c’est autre chose.
Dans l’esprit de la démarche synodale, je risque une prise de parole.
Une première remarque a trait à la forme. Ce rapport synthèse est une solide construction argumentaire, au point où il semble y avoir confusion des genres littéraires: est-ce un document synthèse ou un programme? À certains endroits, les auteurs du rapport s’expriment avec beaucoup d’autorité, forts de s’appuyer sur les synthèses diocésaines. Ce qui pourrait être perçu comme un manque de réserve s’explique par un fort engagement des auteurs eux-mêmes. On les sent investis d’une mission, ce qui peut à l’inverse susciter de la méfiance.
Équilibre ou efficacité maximale?
Les thèmes retenus sont pertinents et l’on y rattache d’autres éléments trouvés dans les synthèses diocésaines. Il demeure néanmoins qu’à la lecture du document, on reste sur notre faim. D’autres idées avaient certainement émergé des conversations tenues localement. On aurait aimé avoir un aperçu de la variété des sujets abordés dans les synthèses diocésaines, comme de petites perles ou des pistes insoupçonnées. La mise en commun de ces intuitions était pourtant l’un des fruits attendus de la consultation synodale. Dans le présent document, on perçoit difficilement la richesse des discussions. Une section aurait pu être ajoutée qui aurait joué ce rôle. On aura préféré accorder de l’espace à une longue introduction qui prépare le lecteur à ce qui va suivre.
Ainsi, le rapport présente une grande cohérence, mais peut-être trop, car c’est au prix d’une certaine uniformité. Le lecteur a le sentiment d’être entraîné, avec ses propres paroles, dans un argumentaire dont il doit partager les conclusions. Puisque le rapport fut écrit avec «l’assistance de l’Esprit Saint» (p. 4), comment pourrait-on s’y opposer?
En somme, le document a les défauts de ses qualités. Par son ton convaincant et engageant, il présente aux baptisés ce qui serait un reflet fidèle d’eux-mêmes. Cette impression ne serait pas étrangère à la posture de rédaction. Selon le texte de présentation, l’équipe de rédaction s’était mise à la tâche dans le but «de refléter les éléments pouvant constituer un portrait significatif des croyants au Québec» (p. 3). Si tel était son mandat, il était de nature différente de ce qui était demandé aux équipes responsables de rédiger les synthèses diocésaines. Faut-il entendre que le rapport synthèse, au-delà du compte rendu des idées, représenterait les participants eux-mêmes, qui désormais feraient corps derrière lui? De fait, le document parle de synodalité, mais l’esprit qui s’en dégage ressemble davantage à un chemin de solidarité. Il s’agit là d’un changement de posture subtil, mais significatif. Le danger d’un tel procédé est plus marqué dans un rapport qui émane du Québec, car peuvent facilement s’y mêler des considérations d’identité.
Présenter des idées et des propositions, c’est dire qui nous sommes et ce que nous pensons. On comprendra l’appréhension du lecteur devant une synthèse qui est aussi affirmative.
Un exercice délicat
Il ne fait aucun doute que le rapport synthèse exprime des préoccupations qui sont incontournables pour l’avenir de l’Église. Néanmoins des questions surgissent, qui pourraient être l’occasion d’un échange fécond. Certes, l’échéancier de production était serré et une « synthèse de synthèses » ne peut faire état de toutes les discussions. L’exercice était difficile et on doit exprimer notre reconnaissance envers les auteurs. Cette responsabilité commandait toutefois une certaine distance. Un tel exercice est délicat, comme l’est aussi pour moi sa critique d’ailleurs. J’espère avoir donné une voix à ceux et celles qui, lisant la synthèse provinciale, auront un sentiment mitigé, reconnaissant ses mérites mais éprouvant un malaise, un inconfort.
Puisque synodalité ne rime pas avec polarisation, je propose en terminant d’apprécier la forme du rapport et sa ligne éditoriale à partir de considérations plus fondamentales. En arrière-plan de cette synthèse, on trouve une évidence : les catholiques québécois ont mal à leur identité, avec laquelle ils et elles doivent composer et conjuguer, une identité que l’on cherche parfois à conjurer. Il est alors compréhensible que dans cette synthèse, on ait voulu profiter au maximum de ce «temps favorable».
Pierre Cardinal est directeur de l’Institut de pastorale de l’archidiocèse de Rimouski.