La spiritualité des Québécois et Québécoises n’est pas morte. Au contraire! Elle se porte bien et est toujours présente. Malgré une Révolution tranquille qui a voulu tout balayer, cette réalité humaine résiste de manière parfois audacieuse.
Imprégnée de bouddhisme, de christianisme, de judaïsme, d’islamisme, de pensées orientales et bien d’autres, la spiritualité de notre époque persiste dans un heureux mélange de significations. Elle prend de nouvelles formes, revêt de nouveaux visages. Elle évolue sans frontière et sans appartenance. Moins institutionnelle et plus personnelle, elle questionne, chemine, réfléchit en toute autonomie. La spiritualité de notre siècle est éclectique! Une seule chose lui manque, ce sont des lieux!
Et si nous réintégrions l’espace de nos églises avec l’ouverture spirituelle de notre époque?
L’histoire du Québec a bâti des églises. Nos parents et les parents de nos parents y ont investi temps et argent. Le Québec est l’héritier de ces monuments. C’est notre histoire, notre culture, notre parcours de vie. Et, bien que nous ayons évolué vers une spiritualité fort différente de celle qu’ont connue nos parents, notre spiritualité est bien vivante. Fort de ce constat, pourquoi ne pas réinvestir nos églises dans cette spiritualité qui nous ressemble et nous rassemble? Pourquoi ne pas investir nos églises dans une joyeuse convivialité, sans désir de prosélytisme? Pourquoi ne pas redonner les églises aux citoyens pour en faire des espaces de paix, d’échanges et de rencontres dans le tumulte de nos vies agitées?
Nos églises sont vides, à vendre, parfois à l’abandon. Cependant, chaque village et maints quartiers des villes du Québec ont encore leurs clochers qui résonnent chaque jour. L’église fait partie de notre réalité. Elle n’est plus ce qu’elle était, ou ce que certains ont connu, mais elle est toujours là. Quelque chose a toutefois cédé en elle. Quelque chose s’est rompue et appelle à une reconfiguration de ce que nous appelions «faire Église». Pour ceux et celles qui ont grandi dans le christianisme, rappelons-nous qu’à la résurrection personne n’a reconnu le Christ. À la résurrection, il n’a jamais le visage qu’on attend de Lui… Pourrons-nous reconnaitre ce visage aujourd’hui?
Porté par ce désir, un comité paroissial tente actuellement d’ouvrir une brèche qui permettrait la cohabitation et la rencontre. L’idée a germé dans le village de Saint-Michel-de-Bellechasse, entre Lévis et Montmagny.
Responsables des célébrations en l’absence de prêtres, les membres de ce comité tentent de redonner du souffle à la communauté. Un travail ardu et cloisonné qui n’avance qu’avec de bien maigres succès. Pour sortir de cette impasse, le comité a décidé de passer à l’action en faisant tomber les cloisons; ceci tout en se référant à l’expérience de Compostelle.
L’expérience des chemins de Compostelle est inspirante et parlante. S’effectuant dans une spiritualité ouverte, affranchie de l’institution sans pour autant l’exclure, elle se vit dans l’accueil et la diversité. Alors, pourquoi ne pas vivre cette expérience ici, dans nos églises, en renonçant à l’exclusivité et en choisissant l’ouverture? En dehors des célébrations eucharistiques, l’église est vide la majeure partie du temps. Pourquoi ne pas ouvrir ses portes et se faire accueillant à la diversité spirituelle de notre époque? Pourquoi ne pas risquer la relation et entrer dans un dialogue qui pourrait se révéler riche et fructueux?
Devant le dynamisme des chemins pèlerins, le comité de Saint-Michel-de-Bellechasse s’est laissé interpeller et c’est par un projet tout simple qu’il propose d’entrer dans cet esprit en ouvrant l’église communale pour des temps de méditations libres, dans une ambiance musicale. Deux fois par semaine, les mardis (16h) et jeudis (19h) pendant les 3 premières semaines de décembre, les gens de toutes croyances et de toutes allégeances étaient invités à trouver un lieu pour se déposer en toute tranquillité en l’église de Saint-Michel. Riche de cette expérience, le projet devrait se poursuivre après les Fêtes.
La spiritualité est bien vivante, il n’y a pas à redire. Nous la croisons chaque jour, nous en parlons chaque jour, souvent sans nous en rendre compte. Nous devons donc faire l’effort d’apprendre à la reconnaitre en lui répondant de manière accueillante et en suscitant des espaces pour qu’elle puisse émerger et prendre corps. C’est l’espoir que porte ce comité.
Éric Laliberté
Doctorant en théologie, spécialisé en études pèlerines
Université Laval