Ils accueillent les voyageurs dès le carrousel à bagages avec d’immenses mains à l’effigie des Journée mondiales de la jeunesse. Dès la sortie de la zone sécurisée, quelques dizaines sont réunis et chantent, accompagnés par des musiciens. Tout autour, des bannières, des images… Tout de go, le chercheur débarque sur son terrain d’observation. Bienvenue… à l’Aéroport Jean-Paul II!
Impossible d’être à Cracovie sans être plongé dans le phénomène JMJ. Difficile de ne pas être étourdi par ces milliers de jeunes déambulant ici, là et partout: sur les trottoirs, entassés dans les trams, au coin des rues, sur les places publiques. La ville envahie par des sacs à dos, des imperméables, des drapeaux. Ils prient en petits groupes aux coins des rues. Ils se reposent et s’amusent sur les terrasses des restos. Ils chantent dans les bus.
Pour le chercheur, l’aventure des prochains jours est d’observer, de noter, de vivre, d’analyser, de comprendre la dynamique de cet événement. Un exercice que nous partagerons avec les lecteurs de Présence, à travers quelques articles sous forme de «notes de recherche».
Le laboratoire JMJ
«La JMJ, est-ce un retour à la religion chez les jeunes?» nous demande-t-on souvent. Ceux et celles qui s’intéressent au religieux le savent bien: malgré quelques fluctuations (notamment du côté français selon un sondage récent), les faibles taux de pratique religieuse, la baisse de l’intensité de l’identité chrétienne, la déculturation religieuse catholique et l’augmentation du nombre de jeunes affirmant être «sans religion» ne cessent d’être confirmés. Voilà une réalité, un versant de la montagne. Mais il y a plus, bien plus!
La Journée mondiale de la jeunesse est un incontournable lieu d’enquête et d’analyse. Il s’agit non seulement d’un des plus grands rassemblements religieux, mais sa configuration rend possible l’observation d’un type de religiosité particulier, traversé par les rapports à l’institution, à la mondialisation, à l’événementiel, à la médiatisation, à l’individualisation et à la personnalisation des itinéraires de sens; et ce, dans des contextes où l’expression publique de la foi et la manifestation de l’appartenance religieuse sont soumises aux normes de sociétés et de cultures plus ou moins sécularisées. L’événement est concentrateur/révélateur de ce qui se trouve produit lorsque la jeunesse et l’Église catholique se rencontrent dans la culture contemporaine mondialisée.
Il nous faut donc chercher à comprendre les différentes JMJ: la JMJ telle qu’elle est vécue par les jeunes dans une diversité de manières, d’intentions et d’intensités; la JMJ de l’Église catholique et du pape François qui veut se faire proche des jeunes et de la jeunesse; la JMJ telle qu’elle est reçue et perçue dans l’espace public, ici et ailleurs.
Jean-Philippe Perreault est professeur à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval et titulaire de la Chaire Jeunes et religions. Ses travaux s’inscrivent en sciences des religions, dans une approche sociologique. Il s’intéresse aux configurations contemporaines du religieux, au religieux dans les sociétés de consommation, à la «religion numérique», à la religiosité des grands rassemblements.