En 2011, la crise de Développement et Paix éclatait avec force sous l’influence de la droite catholique et les pressions du mouvement pro-vie, de façon notoire particulièrement au Canada anglophone. J’ai mené personnellement une campagne pour dénoncer l’accaparement clérical de ce mouvement de laïques par l’épiscopat conservateur.
Déçu du peu de courage des autorités de Développement et Paix devant la charge épiscopale, j’écrivais à son directeur:
La crise actuelle de Développement et Paix sème le désarroi parmi ses employés et envenime le climat de travail. Garder le silence ne fait que reporter et amplifier le problème d’une année à l’autre. Nous sommes conscients comme vous que l’orientation donnée à notre organisation par l’encyclique Populorum Progressio de Paul VI sur le développement des peuples n’a plus la cote dans une partie de l’épiscopat mondial et que les orientations du Concile Vatican II sont souvent mises en veilleuse, quand elles ne sont pas carrément remises en question par les autorités vaticanes.
Dans ce contexte, vouloir gagner du temps en jouant à la diplomatie avec des évêques qui ont juré la mort de Développement et Paix ne mène nulle part.
J’écrivais ceci un an plus tard à Michael Casey, directeur général, en répondant à ses vœux de Noël 2012:
Vous nous invitez à fêter Noël avec courage, mais il me semble que les administrateurs de l’organisation ont fait preuve de bien peu de courage pour défendre notre organisme devant les pressions de quelques évêques conservateurs tonitruants. Vous avez cédé sur l’essentiel de la solidarité et Développement et Paix devient peu à peu un organisme de charité destiné à ceux et celles qui pensent «catholique». C’est inacceptable et j’en suis profondément affligé. Je déplore le manque de transparence et de courage que vous avez eu dans ce conflit où vous auriez bien fait de vous appuyer sur vos bases militantes plutôt que d’essayer de sauver les meubles à huis-clos.
C’est pourquoi je vous demande de rayer mon nom de vos listes et de ne plus me solliciter pour des dons ou autres collaborations. Il y a heureusement d’autres lieux pour « faire avancer les droits avec conviction ». Dans un moment historique où l’Église catholique s’effondre partout à cause du leadership aveuglé et borné de ses dirigeants, Développement et Paix est emporté par ce courant intégriste que je ne saurais appuyer.
Tout cela nous montre la fragilité des réformes menées par le pape François qui hérite de presque quarante ans de gestion vaticane sous les houlettes intégristes de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Les évêques nommés sous ces pontificats continuent leur travail de sape des réformes de Vatican II.
Développement et Paix survivra comme une œuvre pie sans enracinement. Une autre institution qui s’écroule, nous invitant à continuer de nous inspirer de son souffle initial hors des institutions cléricales castrantes.
Claude Lacaille, bibliste